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Ce que chacun peut faire pour surveiller le moustique tigre

Frederic Jourdain, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Yvon Perrin, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Le dispositif de lutte contre le moustique tigre, dit Aedes Albopictus, est activé depuis le 1er mai en France métropolitaine. Il restera en place jusqu’au 30 novembre. Dès à présent, les scientifiques et les autorités sanitaires comptent sur les citoyens pour vérifier si cet insecte, susceptible de transmettre les virus de la dengue, du chikungunya ou encore Zika, est présent près de chez eux. Et chacun peut aider.

L’observation par les habitants est devenue un outil essentiel pour détecter le moustique tigre dans des zones nouvellement colonisées. Les informations transmises via le portail national de signalement, signalement-moustique.fr, permettent en effet de suivre la progression de l’insecte à la trace depuis trois ans.

Au cours des deux premières années, 2014 et 2015, plus de 10 000 personnes ont fait un signalement sur le portail. 1 764 d’entre elles se trouvaient dans une zone qui n’était pas considérée comme colonisée. Et parmi leurs signalements, 438 ont été identifiés comme correspondant bel et bien à des Aedes albopictus, après vérification par les opérateurs publics en charge de la surveillance. Ainsi, en seulement deux ans, la vigilance des habitants a révélé la présence de l’espèce dans 254 communes supplémentaires. Un bel exemple de sciences dites participatives, où l’avancée des connaissances repose sur la collaboration entre les chercheurs et les citoyens.

Les signalements du moustique tigre sur le portail national durant l’année 2015. CNEV

Le moustique tigre dispose de quelques atouts pour étendre ainsi régulièrement son territoire. Originaire du sud-est asiatique, Aedes albopictus est une espèce particulièrement invasive du fait de certains avantages biologiques. Ses œufs présentent la particularité de résister au dessèchement (dessiccation), ce qui augmente leur durée de vie et leur permet de survivre durant le transport, en particulier maritime via les porte-conteneurs.

De plus, l’espèce est capable de diapause, c’est-à-dire que le développement de l’insecte s’arrête en réponse à des variations défavorables de l’environnement. Cela permet à ses œufs de survivre durant l’hiver dans les zones tempérées comme la métropole. Le moustique tigre s’est ainsi implanté dans plus de 80 pays sur les cinq continents au cours des 30 dernières années et ceci à la faveur du développement du commerce international, en particulier celui des pneus usagés.

 

Des Alpes-Maritimes jusqu’à l’Aisne

La première implantation de l’espèce en France métropolitaine a été mise en évidence en 2004 à Menton (Alpes-Maritimes). Depuis, son aire de répartition n’a cessé de s’accroître, avec 33 départements colonisés lors du dernier relevé, fin 2016. Trois d’entre eux l’étaient pour la première fois : l’Aveyron, le Gers et le Haut-Rhin.

Connaître cette aire aussi précisément que possible est important. Cela permet aux autorités sanitaires de mettre en place les mesures appropriées de gestion des risques : démoustiquer certaines zones, informer les habitants des gestes de prévention, surveiller les cas de maladies transmises par ce vecteur pour contenir d’éventuelles épidémies. Rappelons, à cet égard, qu’un unique spécimen n’est pas forcément dangereux pour la santé. La plupart ne sont pas porteurs de virus. C’est seulement s’ils ont piqué d’abord un individu infecté qu’ils sont susceptibles de transmettre une maladie.

Pas si facile de reconnaître un moustique tigre ! L’insecte ne fait pas plus de 5 millimètres. Une fois posé, cependant, on peut voir ses rayures blanches sur son corps noir, caractéristiques. Si vous pensez tenir un suspect, le premier réflexe doit être de le prendre en photo avec votre téléphone ou mieux, un appareil photo. L’idéal étant de l’immortaliser de dos et de profil. Des conseils pour obtenir une photo exploitable sont dispensés sur le portail.

Le moustique tigre, un insecte de petite taille. IRD

C’est encore mieux si vous réussissez à capturer un spécimen. S’il est vivant, vous pourrez le placer au congélateur pour le tuer. Ensuite, vous pourrez l’envoyer par la poste à l’opérateur public territorialement compétent (celui-ci vous sera indiqué lors de votre signalement sur le portail). Afin que le moustique reste dans le meilleur état de conservation possible, il convient de le placer soit dans une boîte incassable en plastique ou en carton, soit dans une feuille de papier ou de carton repliée. Il ne faut pas le scotcher directement sur une feuille de papier, cela risquerait de l’abîmer.

 

Trois questions pour chaque signalement

Une fois sur le portail de signalement, vous devrez répondre à trois questions destinées à limiter la confusion avec d’autres espèces. La première porte sur la taille du spécimen observé ; la deuxième, sur sa couleur ; et la troisième, sur la présence d’un appareil piqueur (un long appendice en prolongement de la tête) qui permet au moustique de se nourrir.

Le déclarant est invité à laisser ses coordonnées et à préciser la localisation de l’observation. Si le signalement porte sur une zone où la présence de l’espèce n’est pas encore connue, une enquête plus poussée sera menée par les scientifiques.

Un piège pondoir destiné à repérer le moustique tigre. Thibault Vergoz/IRD

Hormis les citoyens, le système de surveillance du moustique tigre repose également sur un réseau de pièges pondoirs. Il s’agit de petits seaux noirs contenant de l’eau ainsi qu’un morceau de polystyrène flottant (support de ponte), offrant un site de ponte attractif pour l’espèce. Ces pièges pondoirs sont installés à proximité des zones colonisées et le long des principaux axes de communication comme les autoroutes et les voies de chemin de fer. Par ailleurs, les importateurs de pneus usagés, principale voie d’introduction du moustique tigre dans un nouveau territoire, font l’objet d’une surveillance ciblée.

 

Un suivi quartier par quartier dans les agglomérations

Complémentaires au réseau de pièges pondoirs, les signalements des citoyens permettent un suivi plus fin de l’extension de l’aire d’implantation de ce vecteur de maladies, par exemple à l’échelle de tel ou tel quartier dans une agglomération. Dans l’est de la France, le portail de signalement a même permis de rapporter à plusieurs reprises la présence d’une autre espèce invasive de moustique, Aedes japonicus.

Ainsi, les habitants jouent un rôle déterminant dans le suivi de la progression d’Aedes albopictus. Pour des raisons logistiques et économiques, il n’est pas possible de couvrir l’ensemble du territoire métropolitain avec des pièges. La vigilance citoyenne se révèle particulièrement utile dans les zones où la présence de l’homme est forte, comme les zones urbaines et périurbaines. Dans ces territoires, les pièges pondoirs fonctionnent moins bien car ils se retrouvent en compétition avec une multitude d’autres gîtes potentiels. Des bidons de récupération d’eau de pluie, par exemple, des soucoupes sous des pots de fleurs, ou encore le réseau pluvial où l’eau peut stagner.

The ConversationSurtout, les habitants avertis se révèlent indispensables pour traquer le moustique tigre là où on ne l’attend pas. Quand l’espèce s’introduit dans un nouveau territoire, à une grande distance des zones déjà colonisées, c’est-à-dire à plus de 50 km, celui-ci n’est pas forcément couvert par le réseau de pièges. Citoyens, ouvrez l’œil !

Frederic Jourdain, Ingénieur d’études, Centre national d’expertise sur les vecteurs, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Yvon Perrin, Ingénieur d’études, Centre national d’expertise sur les vecteurs, Institut de recherche pour le développement (IRD)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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