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La malnutrition et le risque de maladie mentale chez les enfants

Natalie Parletta (formerly Sinn), University of South Australia et Leonie Segal, University of South Australia

Selon un rapport récent du Australian Child Wellbeing Project (« Projet australien pour le bien-être de l’enfant », ou ACWP), un sixième des enfants âgés de 8 à 14 ans déclarent aller au lit ou à l’école en ayant faim.

Ils ont aussi trois fois plus de risques de se plaindre d’au moins deux problèmes de santé hebdomadaires, comme les maux de tête ou de ventre, l’insomnie, la déprime, le stress ou l’irritabilité, et d’être régulièrement harcelés par leurs camarades. Ces problèmes touchent en majorité les enfants appartenant à des groupes marginalisés (à faible revenu, aborigènes ou souffrant de handicap).

Toujours d’après ce rapport, les enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté sont plus nombreux en Australie que dans les pays les plus performants de l’OCDE. Souffrir de la faim peut engendrer des désagréments susceptibles d’affecter leur bien-être physique et psychologique. Il semble cependant que la malnutrition affecte à elle seule leur santé mentale.

 

Le bien-être des enfants en question

Une enquête menée auprès d’enfants américains issus de familles à faible revenu indique que ceux qui souffrent de malnutrition développent plus fréquemment des troubles psychologiques et comportementaux (qui se manifestent principalement par des épisodes d’agressivité et d’anxiété). Ils sont aussi confrontés à de plus grandes difficultés scolaires.

Une autre étude américaine a démontré la corrélation entre la malnutrition infantile et l’apparition de problèmes de santé mentale tels que l’anxiété et la dépression.

À Bombay, une enquête a montré que 129 enfants victimes de malnutrition dans les premières années de leur vie affichaient des QI moins élevés ; 60% souffraient de troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), contre 15% de leurs camarades de classe du groupe témoin. De manière préoccupante, ces problèmes ont perduré à l’âge adulte.

À l’île Maurice, un groupe de 1 500 enfants de trois ans ont subi des examens liés à la malnutrition. Des examens complémentaires à l’âge de 8, 11 et 17 ans ont révélé que ceux qui ne mangeaient pas à leur faim avaient un QI plus faible et un comportement plus agressif et antisocial, indépendamment de leurs difficultés psychosociales.

Un certain nombre d’enfants de cette étude ont participé en maternelle à un programme d’amélioration portant sur leur alimentation, leur éducation et leur activité physique. Quatorze à vingt ans plus tard, ils présentaient un développement cérébral plus sain et une psychopathologie moindre par rapport à ceux qui n’avaient pas bénéficié de ce programme. Les effets étant d’autant plus marquants chez les victimes de malnutrition, on peut en déduire que l’alimentation joue un rôle essentiel dans le bon développement de l’enfant et qu’elle peut être prise en charge par un programme de maternelle judicieusement ciblé.

 

En quoi le fait d’aller au lit le ventre vide affecte la santé mentale d’un enfant

La structure de notre cerveau, fait de nutriments essentiels, repose à la fois sur les macronutriments (lipides, glucides et protéines) et les micronutriments (vitamines et minéraux) pour fonctionner correctement.

On sait qu’une grave carence nutritionnelle peut avoir des conséquences désastreuses sur notre cerveau. Des chercheurs ont ainsi découvert qu’un apport en iode était le moyen le plus efficace d’éviter les déficiences mentales profondes et les lésions cérébrales.

À l’inverse, un déficit en iode, aussi léger soit-il, engendre une performance cognitive inférieure. De faibles niveaux d’acide folique peuvent favoriser un état dépressif, tandis qu’une carence en éléments nutritifs contribue à l’apparition de symptômes de TDHA. Les acides gras oméga-3, eux, contribuent à améliorer la santé mentale tout au long de la vie.

De même que les compléments alimentaires ont prouvé leur efficacité en matière d’amélioration cognitive et comportementale pour les enfants en âge d’être scolarisés, corriger la situation nutritionnelle de ceux qui souffrent de TDHA pourrait diminuer les troubles comportementaux et de l’apprentissage.

Dans un essai contrôlé par placebo, la prise quotidienne de suppléments vitaminiques et minéraux a permis de réduire de 40% les comportements violents de jeunes délinquants. Même chez les enfants de 6 à 12 ans, l’ingestion de ces suppléments pendant quatre mois a entraîné une baisse de 47% du nombre de comportements antisociaux.

Ces études démontrent l’importance des nutriments pour la santé mentale.

Il est possible que des niveaux de nutriments subcliniques provoquent des troubles psychologiques avant même qu’apparaissent des symptômes physiques d’insuffisance alimentaire.

Si 15% des enfants australiens souffrent de la faim et n’ont pas de quoi satisfaire les besoins alimentaires leur assurant un bon développement, qu’en est-il de l’impact sur leur qualité de vie et leur réussite scolaire, et combien cela coûte-t-il à la société ?

 

Que peut-on faire ?

La demande d’aide alimentaire ne cesse d’augmenter dans le pays. Chaque mois, la banque alimentaire ravitaille 473 000 personnes, dont 35% d’enfants. Pourtant, en 2013, 65% des bénéficiaires de cette aide n’ont pas obtenu tout ce dont ils avaient besoin car les organismes n’arrivent plus à faire face à la demande.

La majorité des familles qui ont recours à ces programmes ne sont pas à la rue. Prises dans un cercle vicieux, elles se retrouvent à court d’argent pour acheter de quoi manger à la fin du mois.

On croit à tort qu’une alimentation équilibrée coûte cher. Or une récente analyse comparative entre un régime ordinaire et un régime principalement végétarien (régime méditerranéen modifié) a révélé que ce dernier était moins onéreux.

Pour peu que l’on possède des compétences culinaires basiques, il n’est pas compliqué de préparer des plats équilibrés, bon marché et savoureux, comme le démontrent certaines cuisines communautaires, souvent proposées par des bénévoles.

Peut-être les établissements scolaires pourraient-ils apporter leur concours en proposant des leçons d’économie et de cuisine aux enfants, ou en leur servant un petit-déjeuner équilibré.

Il est impératif que les pouvoirs publics mettent l’accent sur la sécurité alimentaire, car tous les Australiens doivent bénéficier du droit fondamental à bénéficier d’une alimentation saine et suffisante.

Traduit par Catherine Biros pour Fast for Word.

The Conversation

Natalie Parletta (formerly Sinn), Senior Research Fellow: nutrition, mental and physical health, University of South Australia et Leonie Segal, Professor of Health Economics at the School of Population Health, University of South Australia

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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