((Peut-on vraiment mourir d’un cœur brisé ?))
Angela Kucia, University of South Australia
Mourir d’un cœur brisé, cela n’arrive pas que dans les romans. La cardiomyopathie dite de Takotsubo, également appelée syndrome du cœur brisé, est une maladie repérée pour la première fois par des chercheurs japonais il y a plus de 20 ans et qui, depuis une dizaine d’années, a reçu beaucoup d’attention dans les pays occidentaux.
La cardiomyopathie Takotsubo (TTC) affecte de façon temporaire la capacité du cœur à pomper efficacement. Quand cela arrive, la personne subit les mêmes symptômes qu’une crise cardiaque, y compris les douleurs dans la poitrine et les difficultés à respirer. Peu fréquemment, le syndrome peut causer la mort du malade.
Même si les symptômes d’une attaque cardiaque et des TTC sont les mêmes, ils ont des causes différentes. Quand une crise cardiaque est le résultat d’un blocage dans l’une des artères coronaires qui alimente le muscle cardiaque, le mécanisme particulier de la TTC n’est pas entièrement connu.
La TTC est associée à des occurrences de contraction anormale du ventricule gauche, celui qui pompe le plus, mais n’est pas causé par des artères coronaires bouchées. Beaucoup de travaux de recherche, dans le monde entier, ont cherché à élucider les mécanismes sous-jacents ; ce qui est généralement admis par la communauté scientifique, c’est que des hormones du stress, comme l’adrénaline, sont en partie responsables.
((Quelles sont les causes ?))
Dans la majorité des cas, une TTC est précédée par un stress intense, physique ou psychique. L’affection a été repérée pour la première fois chez des femmes qui avaient subi un traumatisme émotionnel, comme la mort d’un époux. C’est pour cette raison que les scientifiques l’ont appelé « syndrome du cœur brisé ».
Les différents types de stress associés avec les TTC varient grandement, de ce que nous considérons comme des petites choses de l’existence jusqu’à des évènements graves susceptibles de changer la vie. Parmi les facteurs de stress psychologique les plus communs, la mort de son mari ou de sa femme, ou encore d’un autre proche, une engueulade familiale, des difficultés au travail, une maladie psychiatrique, la perte de biens, celle d’un animal de compagnie, l’anniversaire d’une mort ou d’un évènement traumatique social ou environnemental tel qu’une guerre, un tremblement de terre, des inondations, et, l’actualité nous le rappelle, une attaque terroriste.
Concernant le stress physique, on peut citer l’émergence d’une maladie grave ou d’un traumatisme, un AVC, une crise d’épilepsie, un coup de chaleur, l’annonce d’un diagnostic de maladies telles le cancer et même le fait de donner naissance.
La liste des facteurs de stress apparaît sans fin. Sur les milliers de cas qui ont été déclarés, il semblerait que pratiquement tout soit susceptible de déclencher une TTC à partir du moment où le facteur engendre du stress chez un individu.Il a été suggéré qu’une TTC peut même résulter d’une réponse émotionnelle à un évènement heureux.
((Qui en souffre ?))
Selon une recherche récente, la TTC semble affecter principalement des femmes ménopausées. Car près de 90 % des cas enregistrés concernent des femmes entre 65 et 70 ans. Cependant, depuis que l’affection est plus largement connue, d’autres cas ont été repérés dans d’autres groupes, par exemple chez les jeunes femmes et les enfants.
On ne comprend pas vraiment pourquoi les femmes semblent être plus à risque de développer une TTC, ou pourquoi certaines personnes et pas d’autres sont touchées en réponse à un évènement stressant. Il se pourrait que certains d’entre nous aient moins de capacité de résilience au stress. Ou bien cela pourrait être un facteur physique chez des individus, par exemple une incapacité corporelle à gérer de soudains et importants afflux d’hormones du stress.
((Comment le syndrome est-il diagnostiqué ?))
Le diagnostic d’une TTC est habituellement posé lorsqu’une personne arrive dans un service d’urgence avec des symptômes d’une attaque cardiaque, et que l’on pratique sur elle une angiographie des coronaires, examen qui examine ces artères à la recherche d’endroits bouchés.
Pendant l’angiographie, les médecins noteront qu’une artère bouchée n’est pas la cause de l’attaque. Et ils repéreront une contraction anormale du ventricule gauche, associée à une TTC. Le syndrome du cœur brisé est détecté pour 2 % des patients ayant subi une angiographie des coronaires suite à la suspicion d’une crise cardiaque. Mais il est clair que les TTC sont sous-estimées. Il y a quelques raisons à cela.
Au moment ou les TTC ont été diagnostiquées pour la première fois au Japon, il y avait assez peu d’intérêt en Occident pour étudier ce qui était initialement perçu comme un phénomène rare. Également, le stress n’apparaissait pas un facteur majeur dans la survenue de maladies cardio-vasculaires. Les facteurs de risque comme la pression sanguine, le niveau de cholestérol, l’âge et le poids pouvaient, eux, être précisément mesurés pour évaluer un risque et déterminer un traitement. Enfin, notre mauvaise connaissance des TTC a limité notre capacité à reconnaître toutes les situations susceptibles de déclencher la crise, sur quels individus et dans quelle mesure.
Une TCC peut être mortelle, mais c’est relativement rare et souvent associé à une autre maladie. La bonne nouvelle est que les patients victimes de TTC récupèrent complètement en quelques semaines. Mais certaines personnes subissent des crises récurrentes, et nous n’avons pas actuellement de traitements pour l’empêcher.
((Le traitement))
Le traitement d’une TTC est initialement le même qu’une attaque cardiaque, mais une fois que le diagnostic est posé, il y a des variations dans les médicaments administrés. Les produits que l’on appelle les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ACE, qui, notamment, régulent la pression artérielle, et les béta-bloquants qui contrôlent le rythme cardiaque et réduisent l’hypertension sont généralement utilisé pour alléger le travail du cœur. Mais à l’heure actuelle, on ne sait pas vraiment quels sont les médicaments les plus utiles pour les TTC ni combien de temps il serait bon de les prescrire.
Il y a de plus en plus d’éléments de preuve sur l’effet des émotions négatives, le stress, la dépression, la colère, la frustration, la panique, la peur et l’anxiété sur un risque accru de développer des problèmes cardiaques. Ces émotions sont aussi associées à une moins bonne récupération pour les personnes souffrant de ces troubles.
Le TCC est encore un exemple des effets négatifs du stress sur la santé. Avec une meilleure prise en compte de cette affection, et un niveau de stress à la hausse dans notre société, la fréquence du syndrome du cœur brisé devrait être plus importante au fil du temps.
Angela Kucia, Senior Lecturer in Nursing, University of South Australia
This article was originally published on The Conversation. Read the original article.