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En mars 2013, les équipes supervisant le robot Curiosity (qui explore actuellement le sol de la planète Mars) affirmaient que la planète Rouge avait, autrefois, présenté des conditions environnementales propices à l’apparition de la vie. Mais entre « conditions propices à l’apparition de la vie » et « présence passée de vie », il y a un gouffre… que vient de franchir une équipe internationale de chercheurs suisses, allemands, chinois et japonais. L’analyse d’une météorite martienne tombée récemment (le 18 juillet 2011) au sud du Maroc, dans la région de Tissint, aurait livré des informations laissant à penser que la vie serait apparue sur Mars il y a plusieurs centaines de milliers d’années. Plusieurs éléments ont poussé les chercheurs à cette conclusion qu’ils exposent dans un article publié en couverture du dernier numéro (décembre 2014) du journal Meteoritics and Planetary Sciences. Comment être certain que ce fragment de roche tombé sur Terre le 18 juillet 2011 provient bien de Mars, et pas d’un autre corps céleste ? Les chercheurs l’ont confirmé en analysant finement sa composition. La météorite de Tissint contient de très faibles quantités de certains éléments chimiques appelés « terres rares » (qui, contrairement à ce que leur nom indique, sont assez répandus à la surface de la Terre). La roche présente un profil très pauvre en terres rares « légères » (Scandium, Lanthane, Cérium… NDLR) caractéristique des roches que l’on trouve à la surface de Mars » expliquent les chercheurs. Toutefois, cette confirmation n’était pas réellement nécessaire puisque cette météorite, depuis sa découverte a été étudiée sous toutes les coutures par de nombreuses équipes. « Son origine martienne a été confirmée dès les premières études et elle n’est plus remise en cause aujourd’hui » précise Philippe Gillet, chercheur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne et co-auteur de l’étude. Les chercheurs précisent également que la roche montre des signes de plusieurs chocs d’une extrême violence, au point de créer des poches et des fissures à l’intérieur. Et c’est à l’intérieur de ces fissures, au plus profond du cœur de la roche, que les chercheurs ont débusqué des molécules organiques. Une molécule organique est une molécule qui contient du carbone et de l’hydrogène, associée ou non à d’autres composés. Cette découverte est importante car pratiquement toutes les molécules issues d’une activité biologique sont des molécules organiques. Autrement dit, la découverte de molécules organiques peut être la signature de la présence d’une vie (actuelle ou passée) telle qu’on la connaît sur Terre. Ce n’est pas une preuve en soi mais un indice que la vie peut avoir été présente sur Mars. Prenons par exemple le méthane (CH4). Sur Terre, plus de 90 % des émissions de cette molécule organique dans l’atmosphère sont d’origine biologique. Mais le méthane peut également être produit naturellement par d’autres mécanismes chimiques indépendants du vivant. La découverte de molécules organiques n’est donc pas forcément une preuve de vie. Les molécules organiques qu’elle contient ne s’y sont-elles pas logées au moment de sa chute sur Terre ? « La contamination terrestre des roches martiennes est un problème majeur dans ce type d’études » reconnaît la publication. Mais les chercheurs rappellent que cette météorite présente l’avantage d’être « fraîche ». Elle est tombée en 2011 et a été récupérée 3 mois à peine après sa chute, chiffre la publication. Un temps que les chercheurs estiment trop court pour que des molécules organiques aient pu s’infiltrer aussi profondément dans les plus petites fissures de la roche. En quoi consiste exactement cette matière organique retrouvée dans la météorite ? Il s’agit d’un « kérogène », c’est à dire une sorte de goudron contenant des composés tels que du carbone (C) et de l’hydrogène (H) mais également de l’azote (N), de l’oxygène (O), du chlore (Cl) du fluor (F) du soufre (S) et du phosphore (P). Les chercheurs ont mesuré dans ces échantillons de matière organique le rapport entre la quantité d’hydrogène et de l’un de ses isotopes naturels : le deutérium. Ils ont constaté une grande richesse en deutérium (+324 ‰ à +1183 ‰ par rapport aux standards terrestres), « caractéristique des matériaux que l’on retrouve habituellement sur Mars« . En effet, sur Terre, la matière organique est plutôt pauvre en deutérium. Reste donc la plus épineuse des questions : quelle est l’origine de cette matière organique ? S’agit-il d’une simple suite de réactions chimiques ou du résultat d’une activité biologique caractéristique de la vie ? Selon Philippe Gillet, le scénario le plus probable est que ce kérogène ait été déposé à basse température dans ces fissures près de la surface de Mars, par infiltration d’un liquide riche en composés organiques… d’origine biologique. Pourquoi biologique ? La réponse provient de l’analyse des quantités respectives des isotopes du carbone. En effet, le carbone existe sous forme de plusieurs isotopes : 12C et 13C (stables), 14C (radioactif). Or, dans le monde vivant, les cellules photosynthétiques (autrement dit végétales) ont tendance à fixer plus facilement le carbone 12 que le carbone 13. De ce fait, au fil de la vie d’une plante, son taux de 12C augmente petit à petit tandis qu’on observe un déficit de 13C. L’observation d’un tel décalage dans le rapport isotopique de la matière organique plaide pour la signature d’une activité biologique. En effet, si cette matière avait été produite par une simple réaction chimique, la quantité de carbone 12 et de carbone 13 retrouvée dans les échantillons de matière organique aurait dû être très proche de celle que l’on rencontre dans l’atmosphère martienne. Or, tel n’est pas le cas. Les chercheurs ont découvert ce taux caractéristique particulièrement bas de l’isotope de carbone 13 dans la matière organique que renferme la météorite de Tissint. De plus, les relevés montrent que cette différence de rapport isotopique (13C)/(12C) est la même que celle que l’on rencontre sur Terre entre de la matière organique d’origine biologique (du charbon par exemple) et le carbone de l’atmosphère terrestre… Pour les chercheurs, seule une activité biologique peut être responsable d’un tel décalage dans les isotopes de carbone. Si ces scientifiques ont raison, cela veut dire que Mars a bien accueilli, dans son lointain passé, une forme de vie semblable à celle que l’on trouve aujourd’hui sur la Terre.  

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