S’aventurer dans une forêt tropicale peut parfois donner lieu à des rencontres impressionnantes et ce n’est pas Piotr Naskrecki qui dira le contraire. Cet entomologiste du Muséum de zoologie comparée de l’Université de Harvard a pour habitude de partir sur le terrain observer les insectes dans leur milieu naturel. Mais un jour, l’exploration a pris une tournure inattendue. Alors qu’il explorait de nuit la forêt tropicale de Guyane, il a entendu un bruit suspect. Un bruit ressemblant à un animal en pleine course, des pattes frapper le sol et des feuilles séchées plier sous son poids. L’entomologiste s’attendait alors à apercevoir un petit mammifère, un opossum ou un rat. « Quand j’ai allumé la lumière, j’ai eu du mal à comprendre ce que je voyais », décrit-il. La créature brune et velue, semblait effectivement aussi grosse qu’un rat mais un second coup d’œil lui a rapidement fait comprendre que ce n’était pas un rongeur. Un corps doté de huit pattes s’est progressivement dessiné : c’était une araignée Goliath. La plus grosse araignée du monde. L’arachnide, connue sous le nom de mygale de Leblond (Theraphosa blondi), est un bestiole aux dimensions impressionnantes. Ses pattes peuvent s’étendre sur 30 centimètres et son corps est aussi large qu’un gros poing. Côté masse, l’araignée peut atteindre les 170 grammes. Sans surprise, ses mensurations valent à l’araignée Goliath le titre de plus grosse araignée du monde, reconnu par le Guinness World Record.
La taille de l’araignée Goliath n’est pas la seule raison qui fait sa réputation. En effet, quand Piotr Naskrecki s’est approché du spécimen, celui-ci a commencé à frotter ses pattes de derrière contre son abdomen créant une genre de crissement. « Oh comme c’est mignon ! », a-t-il d’abord pensé en voyant cet adorable comportement, jusqu’à ce qu’un nuage de poils urticants atteigne mes yeux, et le fasse pleurer pendant plusieurs jours. L’araignée Goliath est en effet particulièrement douée quand il s’agit de se défendre ou d’attaquer. La tactique observée par l’entomologiste est généralement un premier avertissement. Elle bombarde ensuite l’intrus de soies urticantes censées le dissuader d’approcher davantage. Si ce n’est pas suffisant, l’arachnide sort son autre arme : des crochets de plus de deux centimètres. Venimeuse, la mygale de Leblond fabrique une substance neurotoxique mais celle-ci n’est pas mortelle pour l’homme. En revanche, les crochets aussi gros que puissants peuvent causer des morsures très douloureuses. Selon une étude menée en 2005, la taille gargantuesque de l’araignée Goliath qui n’est active que la nuit, serait liée à un métabolisme plus lent que chez ces cousines et lui permettant de réduire ses besoins en oxygène. Quoi qu’il en soit, ses mensurations lui permettent de s’attaquer à des proies de taille. Tout ce qui lui passe sous les crochets Malgré son surnom anglais de « bird-eater », l’araignée Goliath ne semble pas véritablement se nourrir d’oiseaux. Toutefois, elle est capable d’attraper et de tuer de petits mammifères, notamment des rongeurs mais aussi des grenouilles et des insectes parfois plus gros qu’elle. « Elle attaquera essentiellement tout ce qu’elle rencontrera », affirme l’entomologiste. Selon ce dernier, sa proie principale serait néanmoins les vers de terre, qui sortent du sol dès qu’il fait un peu humide. « Les vers de terre sont très nutritifs », ajoute-t-il. D’une longévité dépassant les 10 ans chez les femelles, les araignées Goliath ne sont pas si fréquentes que cela. Après plus de 15 ans passés à explorer les forêts d’Amérique du sud, Piotr Naskrecki n’en aurait rencontré que trois.